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Table ronde animée par Sophie Van der Linden

lundi 14 décembre 2015 à 13H00

Le conte, du texte à l’image et retour.
Conférence introductive de Sophie Van der Linden sur l’évolution de l’illustration des contes, suivie d’un échange avec deux responsables de collection chez l’éditeur Didier Jeunesse :
Céline Murcier, collection À petits petons, Et Jean-Jacques Fdida, collection Contes du temps d’avant Perrault.

Compte-rendu de la table-ronde

Sophie Van der Linden était à Margny-lès-Compiègne ce lundi 14 décembre : elle animait une table-ronde entre Céline Murcier et Jean-Jacques Fdida sur l’édition contemporaine des contes. Voilà ce que nous en avons retenu :

Photo : Centre André François

Céline Murcier aime beaucoup les contes et les conteurs ! Après avoir travaillé au Centre de Ressources Livres au Trésor, cette bibliothécaire a souhaité et obtenu de Didier jeunesse la naissance d’une collection dédiée aux contes pour le jeune public : à petits petons. 37 titres déjà parus !

Passionnée, elle effectue plein de recherches sur chaque conte qui sera édité, et monte un gros dossier pour chaque histoire. Elle a par exemple réuni de nombreuses versions du conte russe du navet et l’a proposé à l’un de ses 3 conteurs favoris, en l’occurrence Praline Gay-Para. L’auteur-conteur travaille ensuite avec Céline Murcier à la rédaction du texte qui doit être rythmé, utiliser des mots qui font image et des verbes dynamiques, clair donc sans ellipse, … Quel radis dis donc ! est paru en 1998 chez Didier jeunesse.

Pour La chèvre Biscornue de Christine Kiffer, Céline a réfléchi aux mots agréables aux enfants : « tu finiras tout raplapla » est intégré à une sorte de ritournelle qui fonctionne à tous les coups avec les jeunes enfants. Le travail de mise en page s’est appuyé sur une typographie particulière : un jeu sur la couleur quand le conteur change de voix, un travail sur la grosseur des caractères et sur la disposition du texte… Ce qui fait que même si le conteur n’est pas là, ou plus là, l’enfant entend encore sa voix. Et l’expérience montre que ce code graphique est utile également aux enfants plus âgés en difficulté avec la lecture.

Céline Murcier n’est pas une femme pressée ! C’est une chance que lui offre Didier jeunesse. Ainsi ses contes ont le temps de décanter puisqu’elle prend le temps qu’il faut… Elle a également édité quelques titres dans la collection escampette et une version antillaise du Petit Poucet : Bonnets rouges et bonnets blancs.

Photo : Alexandra Oury
Photo : Alexandra Oury

Jean-Jacques Fdida est un homme de plateau, un conteur qui ne pensait pas publier un jour… Pour ses spectacles, il réalise de nombreuses recherches ; il a d’ailleurs écrit une thèse avant d’enseigner 2 ans à l’Université de Metz. Il retrouve des versions de Contes du temps d’avant Perrault comme le dit si bien le nom de la collection qu’il dirige chez Didier jeunesse. Pour son petit Chaperon rouge illustré par Régis Lejonc, les 2 artistes ont souhaité se rencontrer : moments rares puisque peu encouragés par les éditeurs et craints par certains illustrateurs. Mais Régis Lejonc est perspicace ! Il avait perçu dans le texte de Jean-Jacques une grosse charge traditionnelle dont il sentait bien la force mais ce n’est qu’après l’avoir rencontré que tout s’est éclairé… Certains dessins de Régis n’ont toutefois pas été retenus pour l’édition mais sont parfois exposés…comme son homme avec une cape de loup sur la tête.

Dans les textes de Jean-Jacques, on trouve une Belle au Bois Dormant qui ne se réveille que lorsqu’elle est mère…, un Petit Chaperon rouge qui mange sa grand-mère préalablement coupée en morceaux par le loup…, des motifs que Perrault avait censurés. Et pourtant Jean-Jacques ne va pas aussi loin que certaines versions truculentes comme celle du Tyrol italien où les intestins de la grand-mère sont accrochés à la porte et servent donc de bobinette à la chevillette ! C’est que Perrault était un homme de Raison et que le merveilleux devait progressivement ne plus être entendu. Jean-Jacques parle de la Prison de la Raison qui gagne du terrain et fait tomber en désuétude les versions plus anciennes de la tradition orale. Alors oui certes, cela demande une plus grande implication des parents et des médiateurs. Mais face à la pléthore d’ouvrages raisonnables qui se déroulent dans un monde acceptable, Jean-Jacques lutte contre l’Histoire et contre le public et assure que les enfants se régalent de ses versions. Ainsi sa version de Barbe Bleue aux images assez réalistes est un livre transgénérationnel : s’acoquiner avec un monstre, n’est-ce pas un peu « too much » ? Et dans le Petit Poucet, perdre ses enfants dans la forêt pour des raisons économiques ne serait-il pas plus traumatisant pour nos enfants que la version de Jean-Jacques dans laquelle les parents en avaient tout simplement « par-dessus la tête de leurs enfants »… ?

On touche là un paradoxe : cette collection a une cote incroyable auprès des bibliothécaires mais elle pose problème aux représentants qui essaient de placer ces livres en librairie !

Catherine Palomar,
Directrice du Centre
Régional de Ressources
sur l’Album et l’Illustration.

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